MEMOIRES DE FEMMES 2 : CHANTAL ET AUDREY

Chantal et Audrey

 

Chantal : Je m’appelle Chantal Elizabeth et je suis âgée de 59 ans, j’ai une fille et 2 petits-enfants : 1 petite fille de 4 ans et un petit-fils de 12 ans.

 

Audrey : Je m’appelle Audrey, j’ai 34 ans. Avec ma maman quand j’étais petite on n’a pas eu forcément l’habitude  de se faire des marques de tendresse, et des gestes d’affection.

 

Chantal : Je me suis mariée à 22 ans j’ai eu ma fille après, je n’en ai pas eu 3 ou 4 car le soir après le travail il faut faire cuire à manger, baigner les enfants, etc…

Mais malgré tout je pense que j’ai loupé certaines choses même si je n’en ai eu qu’un.

Aujourd’hui avec ma petite-fille j’essaie de vivre le maximum de choses que je peux et prendre le temps de parler avec elle.

La maman d’aujourd’hui prend plus de temps d’écouter son marmaille. Avant on donnait l’essentiel à mon avis : un linge propre, aller à l’école avec un petit goûter le matin et les repas du midi et du soir. On n’a pas connu la piscine, les cours de cheval , ça n’existait pas. D’ailleurs je ne sais pas nager et je n’ai jamais voulu apprendre, pourtant je travaillais et j’aurais pu essayer d’apprendre mais pour moi ce n’était pas essentiel et je ne me suis pas impliquée plus que ça.

 

Audrey : Elle a l’impression qu’à son époque, que sa maman était beaucoup plus stricte et carrée.

Aujourd’hui j’essaie de reproduire la même chose avec les enfants. Ce n’est pas tout le temps facile en fait, car la vie a changée, mais on doit évoluer avec son temps et ce qui me paraît important de transmettre à mes enfants c’est le respect de soi et celui des autres. Avoir confiance en soi, ne pas avoir de jugement envers les autres et ne pas laisser les autres nous juger non plus, défendre nos opinions et nos valeurs.

 

Chantal : Quand je vivais chez ma grand-mère elle m’emmenait voir mes parents tous les quinze jours.

Je me rappelle que dans la cour un verre bouteille lui a coupé le pied, le sang coulait, je vois encore cette image et là on ne dit pas « appelle le 15 ou allons chez le médecin » on dit attrape un peu de safran et on le faisait en poudre et on le mettait sur la plaie. On déchirait un bout de chiffon dans une robe et on  en garrottait le pied. Je ne sais pas mais comme par miracle la blessure guérissait.

 

Audrey : Je dirais qu’à la Réunion on vivait mieux autrefois. Avant on n’avait pas tout ce qui numérique, on s’amusait avec ce qu’on trouvait et on mangeait ce qu’on avait. On n’avait pas à pleurer, on nous donnait ça et on acceptait comme ça.

 

Chantal : On vivait avec ce qu’on avait et on était heureux comme ça. Je me rappelle que ma grand-mère quand on rentrait de l’école le soir dans les hauts, elle faisait cuire un grand bac de manger cochon, dedans bois de songes, patates, songes. C’était pour les cochons mais c’était propre et quand on arrivait on prenait plaisir à aller fouiller dedans avec une fourchette pour trouver une patate ou une songe. On trouvait ça bon ! Aujourd’hui si on dit aux enfants d’aller faire ça ils vont dire qu’il y a un problème.

 

Audrey : La tradition créole c’est important car ce sont nos racines, nos ancêtres aussi.

Les valeurs que j’aimerais garder : les traditions lontan : quand on va faire sa communion, demander la bénédiction des anciens, au 1er novembre rendre hommage aux disparus, déposer des fleurs ça ne se fait plus beaucoup maintenant. Les traditions créoles  sont importantes même s’il faut évoluer avec son temps, je pense qu’on ne doit pas oublier d’où l’on vient.

Mais ça me fait plaisir de parler créole avec ma famille car ce sont mes racines, c’est notre langue maternelle, c’est notre patois

C’est vrai que dans la vie de tous les jours, au travail, à l’école, ça me fait plaisir aussi de parler français.

 

Chantal :  Parce que ma fille quand elle allait à l’école des fois elle parlait français et des fois elle revenait  et disait « maman la personne a dit telle chose ça veut dire quoi ? »

Après c’est avec le temps quand elle allait au collège elle avait des camarades, un jour je l’ai entendue parler créole, c’était dans un magasin et je me suis dit mon Dieu il y a un marmaille mi savait pas qu’elle était là et qui ne cause vraiment pas bien, je dis à la personne à côté de moi : « écoute ti fille là comment y cause » et en fin de compte c’était ma fille. Je la regarde et je dis « je ne comprends pas il y a un truc bizarre ». Ma fille m’a répondu « maman on s’adapte ».

C’est gravé dans ma tête parce que j’ai compris que dans la vie il faut savoir s’adapter.

Par exemple les jeunes y met patati patata sur le téléphone, des fois j’essaie de comprendre, je me dis « c’est quoi ? »

Je réfléchis jusqu’à ce que je demande à ma fille ce que c’est. Ma fille me dit « MDR : ben mort de rire ».

Ah d’accord je me demandais ce que c’était !

« LOL » pour moi maintenant ça veut dire plaisanterie, mais est-ce que c’est vraiment ça ou pas, je ne sais pas.

 

Audrey : Si j’avais une baguette magique aujourd’hui, ce que je voudrais changer, c’est déjà la place de la femme dans le monde. J’aurais aimé qu’on puisse vivre sans violence, vivre sans taxe aussi si c’est possible, sans violence dans l’amour, sans prise de tête.

J’ai déjà été confrontée effectivement à des personnes qui ont subi des violences aussi bien physiques que verbales. Dans ce genre de situation, on ne peut pas se positionner, on va  être une oreille attentive pour cette personne, on va l’écouter, essayer de la conseiller, mais les femmes qui sont violentées à la Réunion, en général quand elles décident de partir, c’est qu’elles ont déjà essayé  de partir au moins 10 ou 15 fois avant. Donc à aujourd’hui dire à une personne dès qu’elle est  violentée  de partir,  non car il faut la conseiller. On va être attentif mais on ne pourra pas lui dire quelle décision prendre en fait.

 

Chantal : C’est compliqué, j’ai vécu un peu ça avec mon papa. C’était un grand travailleur, couper les cannes, les charger toute la semaine à bras, ce n’était pas avec les machines comme aujourd’hui ! Et donc le samedi jour de l’argent pour mon papa, faire les courses, boire avec ses camarades. Il rentrait saoul et là il suffit que le service du manger soit mal fait, un détail comme une cuisse de volaille qui dépasse de l’assiette, là ce n’était pas bon, il faisait voler les assiettes et toutes les affaires. Mais moi je n’ai pas trop vécu avec ça parce que j’allais une fois de temps en temps chez mes parents et donc pour nous le week-end end c’était beaucoup de violence en fait.

 

Audrey : On pense qu’à la Réunion on va partir 1 fois, 2 fois, 3 fois avec l’espoir que ça aura changé en revenant. Sauf que quand une personne a commencé à te battre une fois, ça ne va jamais s’arrêter. Quand elle part c’est quelquefois quand les violences ont commencé à se faire sur les enfants : c’est le déclic en fait.

Après c’est compliqué aujourd’hui à la Réunion de partir comme ça car les centres d’hébergement sont pleins tout le temps, donc partir pour aller où ?

 

Chantal : en fait je pense que l’alcool est pour beaucoup. Peut-être que je me trompe, si la personne a vécu des choses dans son passé, est ce qu’il ne reproduit pas ça ?

Je pense que chacun mérite de s’en sortir, mais il faut que ça vienne de lui, qu’il se lève et se dit aujourd’hui, j’arrête de boire.

 

Audrey : J’espère que la femme de demain sera une femme forte, que ça va rentrer dans les mœurs, qu’elle devienne indépendante, sûre d’elle, qu’elle réussira à crier, à se faire entendre, que la soumission et la violence faite aux jeunes s’arrête.

Tout cela me touche et j’aimerais tellement que toutes les femmes puissent s’assumer comme la nouvelle génération d’aujourd’hui.

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