MÉMOIRES DE FEMMES 2 :MARIE LOUISE ET EMMANUELLE

Marie-Louise : Moi c’est Marie Louise Robert, j’ai 56 ans. J’ai 3 enfants, 2 garçons et 1 fille. Je travaille à la sécurité sociale.

Emmanuelle : Je m’appelle Emmanuelle, j’ai 20 ans. Je viens de passer mon diplôme d’agent de sécurité.

Marie-Louise : Moi ma lé née à Hell Bourg, donc moi la point trop de souvenirs de vécu là-haut, puisqu’on est venu habiter à Bellepierre à Saint Denis. Et là c’était vraiment la case en bois sous tôle. Avant ils mettaient un béton mais c’était de la terre battue avec de l’élevage de cochons. Cette période-là moi la jamais regrettée c’est des choses que moi la connues et qu’aujourd’hui mi raconte aux enfants.
Mes Noël avec le pied de filaos comme sapin, c’est quelque chose qui m’a laissé une odeur et j’ai mis des années à pouvoir remettre un nom sur cette odeur de Noël.
Nous lété misère ça c’est quelque chose il ne faut pas avoir honte de notre racine, de notre passé. La a appris à nous aussi à forge notre caractère, à voir la vie autrement et à donner ces valeurs.

Emmanuelle : Avant on vivait mieux car je trouve qu’il y avait plus de solidarité. Aujourd’hui on t’agresse pour un oui pour un non « pourquoi tu me regardes comme ça » et tout ce qui va avec. Alors qu’avant non, avant c’était un bonjour, tu étais respectueux tu redisais bonjour avec le sourire. Alors qu’aujourd’hui on te dit bonjour et limite on te regarde de haut en bas et on te dévisage.
Avant il y avait quand même du respect. Maintenant tu peux être couverte de la tête au pied ou dénudée, ils vont te traiter toutes de la même manière et t’aborder d’une manière qui n’est pas plaisante. Tu as l’impression d’être un morceau de viande, de ne pas être humaine.
Tandis qu’avant ils avaient plus de respect, c’était plus mignon de voir un garçon aborder une femme.
Quand tu regardes les vieilles personnes, on a un voisin avec maman il est marié avec sa femme depuis des années. Je lui ai demandé comment ça se fait qu’ils ont tenus tout ce temps et il m’a dit « bah elle n’est pas acquise ! Il faut tout le temps la chérir, tout le temps lui porter de l’attention comme au premier jour ». Et au jour d’aujourd’hui il n’y a plus tout ça.

Marie-Louise : Avant nous on marchait à la baguette, nous lavé peur et on ne défiait jamais l’autorité de nos parents. Avec les droits de l’enfant, ce que mi reproche toujours, moi lé tout à fait d’accord avec ces droits à l’enfant parce que nous nous lété un peu brimé là-dessus, nous nous disait rien et tout, il y a eu quand même de la maltraitance, jusqu’à aujourd’hui elle dure encore cette maltraitance ! A l’école on apprend les droits de l’enfant, il y a quelque chose aussi qu’on doit apprendre à zot : zot obligations. Comme les adultes on a des droits, mais aussi des obligations.

Emmanuelle : Alors la relation que j’ai avec maman elle peut être très complice comme parfois on peut se prendre la tête pour un oui pour un non. Après on va se fâcher quelques jours, quelques heures et puis ça va revenir petit à petit à la normal. Même si elle ne me le dit pas, je sais qu’elle va faire comme si elle a besoin de moi pour quelque chose et moi pareil. Pour que ça redevienne à la normal car ça nous fatigue d’être en colère.

Marie-Louise : Na de très bonnes relations mais na des relations aussi de confrontation. Au niveau de notre génération nos parents il y avait beaucoup de tabous. Même aujourd’hui moi na 56 na des choses que mi en parle pas avec ma maman. Tout ce qui est vie intime, le corps… Aujourd’hui j’aurais du mal à voir ma maman déshabillée, c’est non.
Aujourd’hui mi parle des choses plus facilement avec ma fille.

Emmanuelle : Oui on peut parler de tout (rire), oui un peu trop de tout !

Marie-Louise : Que ce soit tout ce qui est l’éducation sexuelle, les préventions… Mi parle beaucoup plus, justement parce que moi ma la manque de ça, c’est pas un reproche, c’est parce que ma maman la vécu comme ça donc elle nous retransmet ce qu’elle a connu. Par contre avec les garçons c’est niet. « Non non non maman je ne parle pas de ça avec toi ! »

Emmanuelle : Elle m’a toujours transmis de pas être dépendante d’un homme. De toujours garder la tête haute, avoir le sourire. Tout le monde peut être indépendant. Un homme peut dépendre de lui-même, une femme aussi. Et ils peuvent avancer seuls, tout comme s’aider l’un l’autre à avancer ensemble pour avancer, s’aider à aller plus haut. Donc sans nous les hommes n’auraient pas d’opportunités et inversement. C’est vraiment une égalité, on se complète.

Marie-Louise : La femme c’est vraiment le pilier de la famille ! Sans dénigrer le papa mais bon la femme c’est vraiment le pilier. D’ailleurs on voit bien dans les familles créoles la grand-mère a une place importante, la maman aussi. Puisque la maman elle sait tout, elle fait tout ! Et puis dans la majeure partie le premier truc que les enfants crient c’est maman.
Le garçon que la vu que son papa il tape sa maman donc pour zot c’est une chose normale de reproduire ça. Si on ne lui a pas dit que non lé pas normal qu’un garçon il tape sa maman ou sa femme, c’est pas normal. Bon, après peut être lontan personne en parlait, aujourd’hui on en parle plus. Mais aujourd’hui à chaque fois que mi entends ce genre de chose, moi lé vraiment en colère pour l’avoir vécu moi-même. J’ai une grosse colère envers ce qui est les forces de l’ordre. Quand ou arrive à la gendarmerie pour porter plainte « ah non madame on ne prend pas votre plainte car c’est arbitraire, c’est que vous ».
Après il n’y a pas seulement les violences physiques. Parce que néna des hommes lé malins c’est des violences morales. Et pour moi lé tout aussi grave que la violence physique.
C’est pas de l’amour ça. Et c’est ça qu’il faut faire comprendre autant aux hommes qu’aux femmes. La violence c’est pas ça du tout l’amour. C’est pas de l’amour ça.
A un moment donné je me remettais en question je me disais «il y a un problème, peut être que c’est moi ?». Ou essaye de revenir, de remettre aou en question. Ou essaye d’avoir un dialogue, il ne veut pas de dialogue, c’est toujours ou la cause de tout donc à un moment donné non.
Et là c’était ce déclic là que la fé prendre à moi conscience que là non il faut aller. A un tel point que quand j’entendais un féminicide à la télé, il était là mi éteignais la télé pour attention i donne ali l’idée. Ou arrive dans une situation où devient à la limite parano.

Emmanuelle : Je la décrirais forte, très forte. Parce qu’elle a vécue des choses où plein de gens, même moi, j’aurais pu abandonner. Alors qu’elle, elle a continué de se battre.
Après on ne peut rien attendre d’un partenaire idéal, parce qu’il n’y a pas quelqu’un de parfait. Quand tu prends quelqu’un tu prends les qualités et les défauts. Donc même ses défauts pour toi ce n’est pas vraiment des défauts parce qu’il te comble tellement, il te donne le sourire sans que tu ai besoin de demander. Chose que je n’avais jamais vue avant. Aujourd’hui je n’ai besoin de rien demander, de l’affection ou autre. Ça vient de lui-même. Mais il n’y a pas vraiment de partenaire idéal. Tant qu’il est mature, la tête sur les épaules et qu’il ne joue pas au débile.

Marie-Louise : Moi ma na un grand rêve c’est un jour, mi connais pas quand, peut être si un jour mi gagne au loto, c’est prendre en charge ces personnes-là sur le bord du chemin. Mais prendre en charge c’est-à-dire pour reprendre confiance dans la société. S’occuper de ces gens-là, donne a zot un café, donne a zot un repas. Il y a beaucoup d’assos qui font ça aujourd’hui, mais avoir un vrai suivi social derrière. Peut être quand mi sera à la retraite mi pourra le faire ?

Emmanuelle : Mes rêves ce serait que quand je regarde derrière tout ce que j’ai traversé, c’est dem e dire que malgré tous les coups bas, j’ai eu beau pleurer, crier, être dans tous mes états : que j’ai réussi ma vie, que j’ai fait ce que je voulais faire, que j’ai eu mes gosses. Et que maman, mes frères et ma nièce et ma filleule sont fiers de moi.
Même s’il y a des moments difficiles, tant que tu t’aimes toi et que tu as confiance en toi, tu trouveras toujours un chemin de secours.

Marie-Louise : Gardez toutes les valeurs, ces valeurs-là : le respect de la personne, de la vie. Ce n’est pas être un saint mais faire des choses en son âme et conscience sans faire de mal aux autres. Après le mal on peut le faire sans le vouloir, mais quand on pense faire bien, fait bien, sans chercher à faire du mal aux autres. Le respect de la personne.

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