Mauricette : Je m’appelle Mauricette, j’ai 63 ans.
Coralie : Je m’appelle Coralie j’ai 25ans, je suis titulaire d’un master en sciences du langage et je prépare actuellement le concours de professeur.
Mauricette : J’étais vendeuse en prêt à porter, en secrétariat etc. Et après je me suis mariée, j’ai eu mes enfants. Je me suis mis dans le monde associatif : 17 ans de vie associative.
Coralie : Moi mon histoire est très compliquée. Je suis la dernière fille d’une fratrie de 3 garçons.
Donc ma mère quand j’étais petite, elle se disait qu’une fille doit réussir à l’école. Donc pour elle le français c’était une langue de prestige.
Mauricette : Elle était dans une classe horaires aménagés musique : la CHAM. Il y avait des enfants de tous les milieux sociaux. Elle parlait bien français dès le CP. Mais nous on parlait toujours créole à la maison et elle comprenait très bien.
Coralie : Même si elle défend beaucoup la langue créole, c’est un peu contradictoire car elle m’a élevé de manière à ce que je parle au quotidien le français, pour que je puisse réussir à l’école. Donc depuis petite j’ai appris à parler français, je parle exclusivement le français. Même si ma famille parlait créole autour de moi je répondais en français. Arrivée au collège, j’ai commencé à parler créole et j’ai subi des moqueries de la part de mes camarades car j’avais un accent français. Quand je parle français j’ai un accent créole et quand je parle créole j’ai un accent français donc c’est un peu contradictoire. Mais bon c’est comme ça.
Mauricette : A quel moment j’ai commencé à comprendre qu’elle parlait créole ? Elle est rentrée au lycée, je lui dis « tu parles créole toi ?! ». Elle me dit « bah si, c’est parce que je ne veux pas mais oui je parle».
Coralie : Et c’est seulement arrivée à l’université, (mais j’ai mis du temps car je me sentais vraiment mal à l’aise par rapport à ça) j’ai commencé à parler créole avec mes amis qui étaient dans la même situation que moi et du coup il n’y avait aucun jugement entre nous, et c’était quand même sympa.
A l’université du coup j’ai choisi le créole en langue vivante.
Mauricette : Et moi ça m’a fait quelque chose quand elle a pris les sciences du langage, langage des îles tout ça. Je lui ai dit « si tu as besoin d’aide je suis là hein, je peux te donner des petits…» « non non, ça va ça va ! »
Après j’ai acheté des dictionnaires en créole tout ça, mais elle pouvait faire elle-même. Elle sait ce qu’elle veut, elle sait où elle va, elle peut y arriver, elle sait le faire !
Coralie : Aujourd’hui j’ai voulu créer aussi une page instagram qui s’appelle Klèr’Vély. Où j’allais partager des poèmes créoles, des textes créoles, mes écrits en créole. Le but c’était de dire à la femme réunionnaise même si tu te sens mal dans ta peau, même si tu ne te sens pas capable, si tu crois ne pas pouvoir parler le créole alors que tu es réunionnaise : OSE ! Voilà il faut dépasser les jugements et justement on évolue, et on peut apporter beaucoup plus en osant.
Mauricette : Si nous commence à dire que notre langue c’est un handicape et que nous la honte de notre langue, ce n’est pas bon du tout ça ! C’est notre histoire, c’est nos ancêtres, nous arrive avec ça, je ne vois pas pourquoi aujourd’hui nous doit dire non. Avant c’est vrai nous l’avait honte, du maloya l’avait honte, de parler créole il fallait parler français, il fallait… Vraiment c’était comme ça, un peu catalogué : « À ma table on parle français ! ». Ya même des réunionnais à mon époque, ils étaient comme ça de ma couleur, l’a honte d’être noir ! Mais c’est quoi encore le problème là ? Maintenant c’est pareil, noir, blanc, rouge, vert on se mélange, bah oui.
Coralie : Je suis fière de notre côté partage, familial, bonne entente, entraide, qu’on ne retrouverait peut-être pas dans certains pays.
Mauricette : Mais il y a beaucoup de violence à la réunion. Même en métropole aussi, un peu partout je crois. Mais à la réunion il faut revoir la copie chez les garçons, chez les familles réunionnaises. Avant on disait « mi largue mon coq, f’ra à moi z’œufs de poule ». Ça lé resté, ça lé ancré dans tout réunionnais. Ça veut dire quoi ? ça veut dire si tu as un garçon il ne fait rien. C’est l’homme, la femme sa place est dans la cuisine.
Maman était une femme battue. Donc on était 9 enfants, 6 filles. Une fois on était dans notre chambre on était encore petites, on s’est dit « jamais plus ! ». Parce qu’on voyait toujours ça et moi je me disais « un jour si j’ai un mari, ce n’est pas lui qui va me lever la main dessus ».
Coralie : Et même des jeunes femmes de mon âge, certaines copines, que j’ai essayé d’aider. J’étais là, je discutais beaucoup avec elles, j’étais présente, par tous les moyens j’essayais de lui faire comprendre qu’il faut partir. J’incluais ma maman pour qu’elle puisse avoir un avis d’une dame en tout cas.
Mauricette : Certains jeunes maintenant se laissent trop…Je ne sais pas, par l’amour ou quoi… Tu sais que le mec te donne des claques tu retournes. La première claque on part ! C’est fini ! Il n’y a pas de « amour je t’aime, gnagnagni gnagnagna » et de « oui bah tu étais un peu fatigué ». Non non il ne faut pas, on n’a pas le droit de lever la main sur une femme. Je ne comprends pas. Ce n’est pas avec un bouquet, un bijou que tu vas revenir.
Avant la femme n’avait pas le droit à la parole. Et maintenant on ose ! Et puisqu’on ose dire, les hommes deviennent plus violents j’ai l’impression maintenant.
Coralie : Je pense qu’il faut vraiment faire comprendre à ces femmes qu’elles peuvent être aidées, qu’elles peuvent être libérées de ces hommes-là, que leur vie ne va pas s’arrêter après la séparation, qu’elles ne doivent pas avoir peur. Après je pense que c’est compliqué aussi parce que les hommes vont violenter une femme, ils ne seront pas forcément en prison, peut être pas longtemps non plus donc ils vont sortir rapidement. Donc la femme je peux comprendre, La Réunion est petite donc parfois elle aura peur de retrouver cet homme-là. Donc elle va se dire autant subir plutôt que de le mettre en colère et subir plu par la suite.
Mauricette : Alors la femme demain franchement… J’aimerais bien voir une femme présidente ! Parce que la femme étudie, elle n’a pas le même salaire que l’homme (au même niveau hein). Valoriser la femme, il faut qu’elle gouverne un petit peu le monde. Parce qu’elles ont des qualités les femmes. Déjà la force ! Notre cerveau là, ce n’est pas comme l’homme hein. On fait plein de choses ! Mais l’homme une grosse partie de son cerveau c’est sa voiture, une petite partie c’est la femme et puis c’est tout. Tandis que nous on a l’enfant, le travail, on sait gérer tout ça. La femme sait gérer. L’homme non, l’homme c’est un gros bébé, désolée si je dis ça mais c’est la vérité.
Coralie : Avec ma maman parfois on ne voit pas les choses de la même manière. Moi je vois le monde de manière moderne et elle va parfois me reprendre sur certains détails par exemple les superstitions : « quand tu rentres à la maison rentre avec le dos ou ne sors pas le mois de novembre ». Alors que pour moi non, je suis née en novembre donc il faut que je sorte par exemple pour mon anniversaire.
Mauricette : J’ai raconté beaucoup de choses à Coralie, des histoires, des histoires d’avant, mon vécu, tout ça. Ma grand-mère me racontait plein de choses et j’écrivais et j’ai gardé tout ça. Les pages sont jaunes mais vraiment jaunes. Ceux qui ont encore leurs grands-parents il faut noter tout ça. Faire des photos et raconter. Parfois elle me dit « maman c’est bon ce n’est pas la peine ». Je lui dis « non non, justement ce que j’ai écrit, si un jour tu veux lire ça, je le met là-bas. » Mais elle ne l’a jamais lu. Parce que quand je veux parler avec elle, elle est tout le temps occupée, mais après j’oublie.
Coralie : Avec ma maman, on a une bonne relation. Il y a eu vraiment une séparation au moment de l’adolescence. Mais aujourd’hui c’est vraiment une femme que je respecte beaucoup, que j’admire par rapport à tout ce qu’elle fait. Que j’aime tout simplement ! Je voudrais ressembler à ma mère, elle est très créative, elle aide beaucoup mais beaucoup, quitte à se faire du mal elle-même, elle va aider les autres par tous les moyens et c’est admirable.
Mauricette : Maintenant il faut être à l’écoute de son enfant. Moi a fait ce que moi mi pense l’était bon dans ma capacité. Observer, le mot observer. Parce que moi je n’observais pas bien. Parfois l’enfant lance des signes on ne comprend pas et après c’est malheureux. Aujourd’hui je vois ça à la télé je me dis « c’est triste » …
Coralie : Pour moi dans la vie ce qui est le plus important c’est l’amour. L’amour de la famille, des amis, l’amour qu’on a pour soi. Parce que tout ce qu’on doit faire c’est par amour en fait, c’est important.
Ce site a été financé par l’Union Européenne dans le cadre du programme FEDER-FSE+ Réunion dont l’Autorité de gestion est la Région Réunion. L’Europe s’engage à La Réunion avec le fonds FEDER
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